Rythmes scolaires : lettre ouverte à Emmanuel Macron, Président de la République

"Pour le Sgen-CFDT, il n’y aurait rien de pire que de rester au milieu du gué voire de revenir à une semaine de quatre jours qu’aucun pays européen ne pratique..." Lettre ouverte de Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT à M. Emmanuel Macron, président de la République française.

logo sgen-cfdt - Rythmes scolaires : lettre ouverte à M. Emmannuel Macron, Président de la RépubliqueMonsieur le Président de la République,

Le Sgen-CFDT a, comme la CFDT, appelé sans hésiter à voter en votre faveur au 2d tour de l’élection présidentielle pour s’opposer au projet de société inégalitaire et xénophobe de la candidate d’extrême droite. Un dialogue social exigeant et constructif peut dès lors s’engager dans un cadre démocratique préservé.

Sur les questions éducatives la loi de Refondation de l’école de 2013 a ouvert de nombreux chantiers pour permettre la réussite de tous les élèves. Or le temps de l’éducation est un temps long et rien ne serait plus préjudiciable au système éducatif que leur remise en cause complète et brutale.

La réforme des rythmes scolaires est un de ces chantiers.

Le Sgen-CFDT rappelle d’abord que, s’il était demandeur d’une réforme globale des rythmes de l’enfant, ce qui a été mis en place ne correspondait pas à son projet. Le Sgen-CFDT s’est d’ailleurs abstenu à l’occasion des votes en CSE et en CTMEN des textes de cette réforme.

Le passage à la semaine de quatre jours en 2008 avait aggravé le travers de l’école primaire française qui consiste à concentrer trop d’heures de classe sur un trop petit nombre de jours. Avec des conséquences néfastes sur l’apprentissage et le confort des élèves, mais aussi pour les personnels dont les journées s’allongeaient et se densifiaient. Les enseignants témoignaient unanimement de la dégradation des conditions d’exercice d’un métier où l’on n’avait plus le temps nécessaire à la qualité des relations humaines (avec les enfants, les parents, les collègues, les partenaires de l’école). C’est le principal mérite du décret de janvier 2013 d’avoir rompu avec cette logique d’intensification du travail. Malheureusement, cette réforme n’allait pas assez loin et a payé le prix des archaïsmes de la gouvernance du premier degré. La réforme des rythmes devait être l’occasion de concrétiser un objectif de la loi de refondation : travailler en partenariat avec l’ensemble des acteurs concerné pour construire un projet éducatif territorial. Dans les faits, l’absence d’instances permettant cette construction a fait reposer sur quelques personnes l’essentiel du travail, donnant souvent l’impression que les décisions étaient prises hors les murs. Pour le Sgen-CFDT, il faut donner aux écoles un statut d’établissements du premier degré qui leur donne la légitimité et l’autorité pour dialoguer avec les collectivités territoriales et tous les acteurs locaux engagés sur les questions éducatives.

Le passage à une semaine de quatre jours et demi a eu un effet bénéfique de déconcentration de la journée scolaire, mais celui-ci est resté limité, et pas toujours immédiatement perceptible (en particulier dans certains cas d’organisations « dérogatoires »). Pour être pleinement cohérent avec les intentions initiales et atteindre les buts qu’on s’était donnés, il aurait fallu interroger également la répartition et surtout le volume des heures de classe sur l’année, en priorisant un rythme annuel alternant sept semaines scolaires et deux semaines complètes de vacances intermédiaires. Mais cela supposait d’être bien plus avancé sur la construction de l’accueil périscolaire qu’on ne l’était alors. De ce point de vue, la réforme des rythmes scolaires a souffert de n’être pas assez anticipée. La réforme des rythmes scolaires a pu paraître si chaotique qu’il pourrait paraître sage de refermer le dossier pour longtemps.

Pour le Sgen-CFDT, il n’y aurait au contraire rien de pire que de rester au milieu du gué voire de revenir à une semaine de quatre jours qu’aucun pays européen ne pratique. Ce serait ouvrir la boîte de Pandore, la multiplication de demandes contraires à l’intérêt de l’enfant et une grande désorganisation.

Il n’y aurait rien de pire que de commencer ce mandat en ne prenant pas le temps d’une évaluation concertée. Sur le plan des apprentissages et du climat scolaire, la matinée supplémentaire s’avère, selon les collègues, profitable aux élèves, en particulier en éducation prioritaire. Beaucoup d’ailleurs se sont saisis de ce temps supplémentaire pour modifier leur pédagogie.

Le Sgen-CFDT avec la CFDT demande le développement d’un accueil périscolaire de qualité, ce qui suppose un engagement plus grand des collectivités territoriales, avec notamment de la formation pour les intervenants (il y a d’ailleurs là un gisement d’emplois locaux prometteurs pour l’avenir). Cela permettra de poser enfin la question du temps de l’enfant dans sa globalité et sa continuité, et plus particulièrement de différencier le temps de classe selon l’âge et selon les besoins. Avec à la clé une vraie déconcentration de la journée scolaire et un allègement du temps de face-à-face des enseignants avec la classe entière.

Dans l’attente de votre réponse, nous restons à votre disposition pour vous rencontrer et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT