« Moi je suis pour l’inclusion, mais… »

"La culture mange la stratégie au petit déjeuner" disait Peter Drucker. L'idée : vous pouvez toujours essayer de mettre en place une réforme ou un nouvel usage... Si la culture de votre collectif, ses normes plus ou moins explicites et ses valeurs profondes s'y opposent... Vous n'irez pas loin.

Pour la mixité scolaire mais…

Si je commençais cet article par : « Moi je suis pour la mixité scolaire, pour que les filles aillent à l’école avec les garçons mais… pendant que je m’occupe des filles, les autres attendent. Et puis elles sont quand même très différentes. Leurs besoins ne sont pas les mêmes et cela peut déconcentrer les garçons. C’est quand même mieux pour elles d’être dans un endroit plus adapté à leurs besoins. Sinon on essaye de contenter tout le monde et personne n’est satisfait !” Vous vous diriez probablement “Euh… je suis bien sur le site de la CFDT, là ? C’est quoi cette odeur de naphtaline ? On est revenu 60 ans en arrière, ou quoi ?”. 

Pour l’inclusion scolaire mais…

Par contre, si je commençais par “Moi je suis pour l’inclusion scolaire mais… pendant que je m’occupe des 2 élèves MDPH, les autres attendent. Et puis ils sont quand même très différents. Leurs besoins ne sont pas les mêmes et ça peut vite déconcentrer et perturber le reste du groupe. Ce serait mieux pour eux d’être dans un endroit plus adapté. Sinon, tout le monde souffre.”… ça dérangerait moins de monde, non ? 

Après avoir suivi de près l’évolution de l’école depuis 2005, je me dis que c’est finalement comme ça que ça fonctionne. Les changements de culture et de mentalités sont très lents et prennent plusieurs générations.

Comme pour l’émancipation des femmes démarrée il y a plus de 100 ans, c’est lorsque la société est prête et mûre que des lois émergent et que des moyens sont attribués et pas l’inverse. Et encore, on voit le temps que ça prend ! Avec encore aujourd’hui des personnes au plus haut niveau de l’Etat qui soutiennent des délinquants sexuels qui peuvent continuer à parader. Là aussi, c’est toute une culture qui les y autorise. Mais lorsque la société était mûre en 1960 pour la mixité, on ne s’est plus demandé combien elle allait coûter ou si ça n’allait pas être possible pour telle ou telle raison technique. C’est devenu un principe éthique : les filles et les garçons doivent grandir ensemble, point. Y a pas de “mais…”.

On est tous égaux mais il y en a qui sont moins égaux que les autres. Coluche

Une école accueillante dans un monde qui classe

Comment voulez-vous inclure dans un monde qui classe et évalue sans arrêt (« mettez des pouces », « évaluez votre expérience ferroviaire », « et comment s’est passée la livraison ? » « combien d’étoiles » ?) ? Comment accueillir la fragilité au milieu du culte de la performance et de la réussite individuelle ? En attendant, des graines d’un nouveau paradigme germeront ici ou là (UEMA, DAR, DIME, IME dans les murs…), arrosons-les. Mais sur un terreau aride, peu de chance que ça prenne, donc proposons que les initiatives se fassent là où les équipes (ou au moins une partie) semblent prêtes… Encore une question d’autonomie.

Voilà, on en reparle dans 60 ans !