CIA (Complément Indiciaire Annuel): État des lieux

Suite à l’émoi provoqué chez de nombreux collègues au moment des notifications des Compléments Indiciaires Annuels au titre de l’année 2023-2024, les personnels de direction de la CFDT Education de l’Académie de Nantes ont réuni un groupe de travail sur ce sujet.

Concrètement, sur la base des informations remontées par les adhérents, le groupe de travail a effectué des comparaisons entre les montants alloués aux différents personnels, leur situation professionnelle et leurs évaluations professionnelles figurant dans les Comptes-Rendus d’Entretiens Professionnels (CREP). Les travaux de ce groupe de travail ont permis la rédaction du présent état de lieux qui a fait l’objet d’une relecture par les adhérents dans le cadre d’une réunion plénière.

Attribution du CIA : une incompréhension généralisée

La logique d’attribution du CIA a fait l’objet d’une explicitation claire, il s’agit de « reconnaître spécifiquement l’engagement professionnel et la manière de servir des agents ». Sont appréciés : « la valeur professionnelle de l’agent, son investissement personnel dans l’exercice de ses fonctions, son sens du service public, sa capacité à travailler en équipe et sa contribution au collectif de travail. » 

Les montants bruts annuels fixés nationalement pour 2024 sont les suivants :

– 917 euros pour 50% des agents,

– 1 583 euros pour 30% des agents,

– 2 250 euros pour 20% des agents.

La CFDT Education de l’Académie de Nantes a procédé à un sondage auquel 79% des personnels de direction adhérents ont répondu. Il en ressort la répartition suivante :

– 70% ont reçu le montant de base, parmi ceux-ci 13% sont des adjoint(e)s,

– 17% ont reçu le montant bonifié, parmi ceux-ci 25% sont des adjoint(e)s,

– 13% ont reçu le montant super-bonifié, parmi ceux-ci 66% sont des adjoint(e)s.

Une analyse détaillée fait ressortir une incompréhension généralisée des choix qui ont été opérés pour l’attribution de ces montants bruts. Dans les faits, le versement des montants bonifiés semble être totalement décorrélé de l’ancienneté dans la fonction, de la charge de travail objective, de l’implication dans des dispositifs pédagogiques spécifiques ou de la réussite des élèves telle qu’elle transparaît dans les indicateurs de valeur ajoutée ou les restitutions d’évaluation d’établissements scolaires. Plusieurs pilotes de PIAL, notamment, n’ont pas bénéficié des montants bonifiés.

Les comparaisons effectuées entre les montants attribués et les évaluations professionnelles peuvent parfois être très surprenantes. Des personnels de niveau expert avec une valeur professionnelle très bonne ou excellente peuvent être au montant de base, quand d’autres qui ne sont pas pleinement experts peuvent accéder aux montants bonifiés. Ce constat est cependant à nuancer selon les départements. Une certaine cohérence entre l’évaluation professionnelle et les montants alloués est constatée pour deux des cinq départements de l’Académie. De même, le groupe de travail relève des disparités, entre départements, dans les pratiques d’évaluation. L’autoévaluation préalable à l’entretien annuel tend à se généraliser dans certains départements quand elle est totalement absente dans d’autres.

Effets délétères sur les personnels de direction à 50%

L’attribution du Complément Indiciaire Annuel a été un choc pour la plupart des personnels de direction qui ont reçu le montant de base. Ce choc a été d’autant plus violent pour les personnels qui étaient jusque-là pleinement reconnus par l’institution dans leur valeur professionnelle. Les sentiments qui prévalent, suite aux notifications, sont ceux de la déconsidération, de la dévalorisation, du discrédit. Pour certains, cela va jusqu’à l’abattement ou la rupture de confiance. La question du sens de ces évaluations est pleinement posée.

Institutionnalisation du déclassement

Etablir des quotas d’attribution autour de trois groupes cibles (les basiques, les bonifiés et les super-bonifiés) revient à institutionnaliser le déclassement. Cette façon d’attribuer le CIA revient à postuler que la moitié des 14 875 personnels de direction de l’éducation nationale, soit 7 437 d’entre eux, sont des fonctionnaires « basiques » dans leur manière de servir et dans leur engagement professionnel. On peut s’interroger sur le signal qui est donné, en fin de carrière, à des personnels dont l’âge moyen est de 54 ans et qui sont entrés dans la fonction en moyenne treize ans plus tôt, à 41 ans.

Déshumanisation des personnels

Dans l’Académie de Nantes, la notification des Compléments Indiciaires Annuels s’est faite sans explication, sans justification, sans accompagnement des personnels qui étaient manifestement déclassés. Ces pratiques sont ressenties, par une partie d’entre eux, comme une forme de maltraitance. Elles s’inscrivent plus largement dans une tendance à la déshumanisation, attestée par la mise en place des nombreux procédés de mesure de l’efficacité qui sont parfaitement décorrélés des réalités de terrain et du quotidien des acteurs de l’éducation. Sont-elles acceptables ? Les personnels de direction de la CFDT Education ne le pensent pas. La CFDT Education des Pays de Loire ne souscrit pas au principe de la rémunération au mérite car ce dernier parait difficilement objectivable. Des audiences ont été demandées auprès des DASEN dans plusieurs départements de l’Académie et un courrier-type de demande d’explication a été diffusé aux adhérents.