Quand 11 enseignants sur une école de 13 classes se retrouvent testés Covid-positifs, quelle décision faut-il prendre ? Témoignage...
Lundi 5 octobre
Je reviens dans mon école de REP après plusieurs jours au Sgen-CFDT. En arrivant, je tombe sur une collègue qui prend sa température. 38,5°C. Elle repart chez elle. Une autre me dit : « Ah oui, tu n’es pas au courant, une élève de CM2 a été testée positive vendredi. » Plusieurs collègues aux regards fiévreux préfèrent manger seuls dans leur classe. La salle des maîtres est bien triste.
Mardi 6 octobre
Aujourd’hui, c’est la photo de classe. Comme d’habitude, les élèves sont agités par les va-et-vient incessants. Cette année, la directrice qui gère cette animation est préoccupée. Le téléphone toujours sous la main. Elle apprend dans la matinée qu’elle est positive. Pas étonnant, l’élève positive vient de sa classe. Les choses s’enchaînent très vite. Elle prévient l’inspectrice qui lui répond qu’elle n’a pas de remplaçant sous la main. Il faut déclarer les cas contacts. Au début, elle ne déclare que les personnes qui ont l’habitude de manger près d’elle. Après de multiples rebondissements, le médecin scolaire nous dit dans la soirée : « Je la connais bien votre salle des maîtres. Elle est minuscule, mal aérée. Tous ceux qui y mangent sont cas contacts. » Il est quasiment 19 heures quand l’inspectrice nous dit que nous devons coûte que coûte accueillir tous les élèves, ordre de l’Inspecteur d’Académie. Pour nos 13 classes, il reste 3 personnes «vaillantes» : une collègue qui était en classe verte, la personne qui me complète lorsque je suis au Sgen-CFDT et une collègue qui avait préféré manger seule les jours précédents. Personnellement, le mardi précédent, j’étais en CHSCTD avec l’Inspecteur d’Académie qui nous assénait qu’il n’y avait aucune contamination au sein des écoles. Que si nous portions nos masques, nous étions protégés. Qu’il fallait bannir tout moment convivial (pause-café, repas,…) comme lui et les agents de la DSDEN le faisaient. Nous lui expliquions que les repas étaient souvent des conseils des maîtres informels, un moment pour «faire équipe»… Par ailleurs, les locaux sont exigus dans beaucoup d’écoles.
Mercredi 7 octobre
Les trois rescapées sont là pour accueillir les élèves. L’inspectrice a envoyé en renfort des enseignants spécialisés du RASED et des Conseillers Pédagogiques. Ceux-ci ont été prévenus à 22 h la veille ou le matin même. Ils ne comprennent pas ce qu’ils font là. Ils sont mécontents de ne pas trouver du travail prêt dans chaque classe. Les parents et les enfants sont déconcertés. Tout le monde comprend bien qu’il y a des cas positifs à l’école. Pourquoi continue-t-on d’accueillir les enfants ? Je ne peux pas m’empêcher de me demander si ça se serait passé de la même façon dans une école de centre ville… Les classes de CP et CE1 dédoublées doivent se regrouper deux par deux. Dans la journée, le whatsapp de l’école s’affole encore plus que la veille. Le nombre de collègues positifs augmente d’heure en heure. 6 collègues positifs.
Jeudi 8 octobre
Nous rencontrons l’Inspecteur d’Académie pour une audience. Nous sommes trois représentants du Sgen-CFDT. L’IA cherche des coupables. On se serait contaminé lors d’une «soirée» rugby et lors de notre pause méridienne. Effectivement, quelques uns de mes collègues ont eu un entraînement de rugby avec le club qui enseigne le rugby à nos élèves. Mais ils étaient déjà contaminés avant. Pourquoi chercher à nous culpabiliser ? Et quel est l’intérêt de chercher un coupable ? Est-ce que ce ne serait pas plus bienveillant de s’enquérir de nouvelles ? Entre les cas positifs et les cas contacts, plus qu’une seule « titulaire » sur l’école…
Vendredi 9 octobre
Les résultats de tests continuent d’arriver. 9 cas positifs sur les 15 PE de l’école. À l’école, les 3 négatifs et la collègue qui était en classe verte gèrent la valse des remplaçants. Pendant le week-end, des collègues qui pensaient reprendre lundi 12 ont encore des symptômes et ont une prolongation d’arrêt. Une des négatifs est malade. Fiévreuse, elle refait le test. Elle apprendra qu’elle est finalement positive. Elle avait fait le test trop rapidement.
Lundi 12 octobre
Nous sommes 4 «titulaires» sur l’école. 6 remplaçants arrivent. Ce ne sont pas les mêmes que les jours précédents. Mes élèves ont eu 4 enseignants différents la semaine passée. J’ai une demi-classe de CE1 en plus. Les élèves sont très perturbés par tous ces changements de classe, d’adulte, de repères… On bricole. On occupe. Ce n’est pas possible de travailler. De nouveaux élèves sont testés positifs. Pourtant, on teste très peu les enfants. La classe de CM2 va finalement fermer. Les adultes du périscolaire n’échappent pas à la contamination. Une animatrice est positive.
Mardi 13 octobre
Encore de nouvelles têtes débarquent à l’école. Les remplaçants sont étonnés qu’on ne les prévienne pas qu’ils vont remplacer dans une école »contaminée ». D’autant plus qu’on les envoie après à l’autre bout du département pour un autre remplacement. Les personnels de santé verraient ce qui se passe dans notre école (brassage des adultes et des enfants), ils seraient en colère à juste titre. Combien de personnes auront des tests positifs suite à leur passage dans notre école ?
Jeudi 15 octobre
En CAPD, des organisations syndicales reviennent sur le cas de notre école. Elles parlent d’un mésentente entre le maire et l’Inspecteur d’Académie. D’un manque d’agents d’entretien pour désinfecter les écoles de la ville. On cherche encore des coupables… Elles s’insurgent sur le fait qu’on envoie des enseignants du RASED ou des CPC en remplacement. Pour moi, il y a d’autres sujets plus révoltants dans toute cette histoire. L’Inspecteur d’Académie assume ce remplacement exceptionnel et explique que sa priorité était qu’aucune école du département ne ferme avant les vacances d’automne. Quel est donc le sens de vouloir garder une école ouverte «quoi qu’il en coûte» ? Pas sûre que le cas de mon école soit exceptionnel. J’ai bien peur qu’il arrive la même chose dans d’autres écoles après les vacances…