Profs des écoles, la coupe est pleine, entre mensonges et mépris, n’en jetez plus !

Billet de mauvaise humeur et de rappels factuels sur le travail des professeur·es des écoles après des déclarations pleines de mensonges et de mépris de plusieurs responsables politiques ces dernières semaines.

mensonges et méprisStop aux mensonges et mépris envers les agents

Les professeur·es des écoles ne travailleraient avec leurs élèves que jusqu’au 30 juin pour une ministre de l’Éducation nationale qui découvre le dossier.
Comme tous les fonctionnaires, ils et elles feraient un usage démesuré des congés maladie. C’est ce que déclare un ministre de la fonction publique décidé à exercer son ministère contre les agents. Tout ceci, en niant éhontément les données de son administration et de l’IGAS.
Désormais, c’est un ancien responsable politique de haut rang qui prend les professeur.e.s des écoles comme paillasson pour des propos d’estrade méprisants autant que mensongers et totalement inacceptables. Inacceptables aussi les rires dans la salle qui répondent au sourire narquois d’un ancien président de la République invité à des rencontres de l’avenir. Sur la question de la fonction publique, et singulièrement des professeur.e.s des écoles, c’était surtout marche arrière toute. Ceci, sans jamais questionner le bilan d’un quinquennat dont le système éducatif paie encore l’addition.

Notre démocratie politique et notre système représentatif sont en crise. Ils sont fragilisés par les coups de boutoir du populisme et de l’extrême droite, par l’incapacité de trop de dirigeant.e.s à prendre le temps de comprendre en profondeur ce dont ils et elles ont à traiter avant de s’exprimer ou de décider. Il en résulte une incapacité à prendre en compte les réalités vécues par la population. En l’occurrence les réalités professionnelles de quelques 350 000 professeur.e.s des écoles sont dénaturées.

Mensonges, mépris, la coupe est pleine !

Quelques éclairages pour celles et ceux qui veulent comprendre ce qu’est aujourd’hui le métier de professeur.e des écoles. Ces éclairages sont partisans évidemment : nous sommes des militant.e.s syndicaux, nous représentons les travailleurs et travailleuses, nous parlons du travail à partir de nos réalités professionnelles, à partir de ce que les agents partagent avec nous dans le cadre de nos actions syndicales. Mais il se trouve qu’ils sont corroborés par des études du ministère, de la Cour des Comptes, de chercheurs et chercheuses scientifiques. Celles et ceux qui balaient tout cela d’un revers de manche pour des effets d’estrade se fourvoient et leurrent leurs auditoires.

Les professeur·es des écoles ne travaillent que 6 mois par an ? Mensonges et mépris !

Le code l’Éducation dispose qu’une année scolaire dure 36 semaines. C’est donc sensiblement plus que les 6 mois de travail fantasmés par un homme politique qui a perdu dans les urnes à l’élection présidentielle de 2012. Et cela ne dit pas encore tout du travail des professeur·es des écoles.
Prenons par exemple l’année scolaire en cours avec les dates métropolitaines :

  • Pré-rentrée le vendredi 30 août 2024: de nombreux et nombreuses professeur.e.s des écoles se rendent dans les écoles avant afin de vérifier que tout est resté en ordre pendant l’été, ou pour revoir l’agencement (à des fins pédagogiques) de la salle de classe, et tout simplement pour réceptionner les commandes de fournitures, préparer leur répartition ainsi que celle des manuels…
  • Fin des classes le samedi 5 juillet 2025 : contrairement à ce que semblait croire la ministre, cela fait longtemps que l’enseignement se déroule jusqu’en juillet, et donc au-delà du 30 juin. Là aussi, des professeur·es des écoles reviennent après le 5 juillet pour finir de ranger ce qui doit l’être, faire du tri, préparer l’année suivante
  • Entre ces deux dates, 8 semaines de vacances scolaires pour les élèves mais ce ne sont pas 8 semaines de congés pour les professionnel·les : en effet, des préparations, des corrections, des recherches pour alimenter l’enseignement, préparer la période suivante… occupent une bonne partie de ces vacances. Certain.e.s travaillent dans le cadre de stages de remise à niveau, ou des dispositifs vacances apprenantes, école ouverte pour celles et ceux qui le souhaitent se former avec l’Éducation nationale ou des associations pédagogiques, d’éducation populaire…

Consultez la note d’information n° 22.30 de la Depp.

Les professeur·es des écoles ne travaillent que 24 heures par semaine ? Et faire classe à l’école maternelle ne demande aucune préparation, ni correction ? Mensonges et mépris !

Rassurons les parents d’élèves

Rassurons tout de suite les parents d’élèves ! Les professeur·es des écoles ne viennent pas à l’école « les mains dans les poches ». Ils et elles ont préparé leur enseignement, l’adaptent en continu à la vie de la classe, aux besoins de leurs élèves . Cela prend du temps. Ils et elles arrivent avant la classe, prennent du temps sur la pause méridienne ou restent après le départ des enfants, pour prendre connaissance de leurs travaux, les évaluer, concevoir les remédiations nécessaires pour faire progresser chacun et chacune dans ses apprentissages, échanger avec leurs collègues.

Ce travail, cette réflexion permanente, est au cœur de la professionnalité des enseignant.e.s de la petite section de maternelle à l’université. Comme l’écrivait Janusz Korczak, pour éduquer, pour enseigner, les professeur·es des écoles s’élèvent à la hauteur des enfants pour les faire entrer dans les apprentissages, pour leur permettre de se construire, de s’émanciper. Cela ne s’improvise pas, que les élèves aient 3 ans, 10 ans, 15 ans ou soient majeur.e.s.

108 h et plus si affinité

Et puis n’en déplaise à des responsables politiques qui semblent ne pas le savoir, enseigner est un métier de la relation humaine. Cela commence par le lien avec les parents que l’enseignant⋅e se doit de nourrir pour construire un cadre de confiance nécessaire à une nécessaire coéducation. Enseigner est un métier qui a changé avec le développement de l’inclusion scolaire. Être enseignant·e c’est aussi travailler avec d’autres professionnel·les. Ce travail partenarial, en équipe suppose des temps de concertation, de réunion qui ne sont pas suffisamment reconnus par l’Éducation nationale.

Conseil des maîtres, conseil de cycle, conseil école-collège pour suivre les progrès des élèves, assurer les transitions. Réunions d’équipes éducatives pour résoudre une difficulté, avec autour de la table, les enseignant·es, le ou la directrice de l’école, le médecin scolaire, le ou la psychologue scolaire, les parents quand un enfant a des besoins éducatifs particuliers qui peuvent relever de l’inclusion, nécessiter un suivi médical et l’apport de tous les personnels qui concourent au service de santé scolaire.
Le forfait de 108 heures annuelles sensé reconnaitre ce travail est loin, très loin du compte pour tout couvrir. L’aide pédagogique complémentaires, les formations, les réunions d’équipes diverses et variées, les réunions et rencontres informelles avec les parents d’élèves, les animations pédagogiques…

La réalité

Le temps de travail toutes tâches comprises est connu des autorités et rappelé dans les publications ministérielles dans le cadre de l’observatoire des rémunérations et du bien-être :

  • La moitié des enseignant·es du premier degré travaillent plus de 43 heures par semaine ;
  • 10 % travaillent plus de 60 heures par semaine ;
  • La moitié des enseignant·es du premier degré travaillent plus de 34 jours pendant les vacances scolaires.

Toutes les études montrent que le temps de travail est plus conséquent pour les enseignant·es en début de carrière.

Depuis ces dernières études rendues publiques en 2022, la charge s’alourdit encore avec la multiplication des convocations à des formations continues. Celles-ci se tenant le soir après une journée de travail ne garantissent pas toujours un temps de coupure suffisant (aux termes du droit du travail) entre deux journées.

Les professeur·es des écoles, et plus largement les fonctionnaires, prennent trop d’arrêt maladie ? Pas si on tient compte des caractéristiques démographiques et sexuées, et des conditions de travail des agents

Plus de 80% des professeur·es des écoles sont des de femmes. Or les femmes sont, plus que les hommes, soumises à des pathologies (pathologies associées à la menstruation et à la maternité) qui peuvent impliquer le recours à des congés maladies. De plus, elles sont plus souvent que les hommes chargées de prendre en charge les enfants lorsqu’ils sont malades. Raison pour laquelle la CFDT demande une prise en compte spécifique des enjeux de santé des femmes.

Les professeur·es des écoles n’ont par ailleurs aucune marge de manœuvre dans l’organisation de leur travail. Par exemple, comment prendre des rendez-vous médicaux chez un spécialiste qui ne laisse ni le choix du jour, ni le choix de l’horaire ? Ils et elles doivent dans ces situations solliciter une autorisation d’absence. Cette absence se traduit souvent par la perte d’un jour de rémunération et d’ancienneté générale de service. Ceci a des conséquences en termes de droits à la retraite.

Prendre soin de sa santé devient très onéreux.

Dans le même temps, comme tous les personnels de l’éducation nationale, les professeur·es des écoles ne bénéficient pas d’une médecine du travail dotée pour répondre aux besoins de tous les agents. Par conséquence, notre employeur – l’État – n’assure pas totalement ses responsabilités en matière de santé et sécurité au travail.

Les professeur·es des écoles sont des ingénieur·es pédagogiques ? Vrai et hélas nié par de nombreux responsables politiques

Les programmes de mathématiques et français récemment publiés énoncent des niveaux de détails bien trop poussés. Ils réduisent l’enseignant⋅e à un exécutant d’une recette valable pour tous les élèves. Par exemple, ces programmes imposent l’emploi du temps hebdomadaire à appliquer  en CP.

Les Évaluations nationales viennent conforter cette vision. Le calendrier de passation est imposé, y compris en dehors de la métropole mais sans adaptation au calendrier scolaire. Il en est de même pour  les tests, la manière de définir les élèves en fonction de leurs résultats et même les remédiations à apporter…

Tout est organisé comme si les enseignants étaient incapables de cette analyse, les élèves n’étaient pas des humains infiniment complexes et les évaluations n’avaient aucun biais.

Cet enseignement clé en main qui se veut rassurant ne s’adapte ni aux différentes pédagogies, ni aux différents profils d’élèves. Il efface le savoir faire de l’enseignant⋅e :

  • construire une programmation et des séquences d’apprentissage,
  • s’adapter aux besoins des élèves,
  • intégrer les progressions dans l’ensemble des disciplines pour faire sens et faciliter les apprentissages transdisciplinaires.

Nier les réalités professionnelles des agents contribue au désengagement de ceux-ci

Si le métier était aussi simple, aussi facile et avec un temps de travail aussi restreint, comment nos politiques d’estrade expliquent-ils les faits suivants :

  • des démissions en nombre,
  • une augmentation des demandes de rupture conventionnelle,
  • la part des professeur·es des écoles qui partent à la retraite avec une décote dépasse largement celle des autres corps,
  • le nombre de fiches SST complétées par les professeur·es des écoles chaque année.

Les responsables politiques ne peuvent pas un jour célébrer l’école de la République et lui demander de résoudre toutes les tensions de notre société et le lendemain insulter celles et ceux qui font l’école au quotidien, rire et faire rire à leurs dépens.

Nous pourrions presque excuser un ancien responsable politique qui n’était plus aux affaires en 2014. C’est en effet à cette période que la reconnaissance du temps des missions qui sont en plus de l’enseignement et indispensables celui-ci ont été institutionnalisées. Mais à vrai dire, nous ne voulons rien excuser. Parce que le temps de travail des enseignant·es est connu, étudié, et qu’avant de parler d’un sujet, on se documente. Parce que trop de drames ont endeuillé la profession sans qu’il soit possible de douter du lien avec le travail. Nous n’oublions aucun de nos collègues qui ont mis fin à leur jour, dans leur école, leur salle de classe. Un peu de respect et de décence ne saurait nuire au débat politique.

Mobilisations à venir

Grève le 5 décembre 2024

La CFDT Fonction Publique a rédigé un communiqué :

La CFDT Fonctions publiques a pesé de tout son poids pour faire émerger une mobilisation des agents publics qui permette une pleine visibilité et le recours à tous les moyens d’expression, y compris la grève, le 5 décembre prochain.
Sans confusion possible avec d’autres mobilisations sectorielles, les équipes CFDT construiront les formes d’actions les mieux appropriées à chacun de leurs secteurs et territoires. Après avoir obtenu que le ministre reçoive les organisations syndicales représentatives de la Fonction publique, qu’il renonce à la suppression des catégories et s’engage à ouvrir des concertations, la CFDT est pleinement engagée pour améliorer le pouvoir d’achat et les conditions de travail dans l’intérêt des agents et pour une fonction publique mieux reconnue et plus attractive.
Les stigmatisations et mesures injustes doivent être abandonnées pour laisser la place à un dialogue social constructif.

Rappel : 53 € remboursés pour nos adhérent·es (34 € pour les AESH) par jour de grève

Pétition

Par ailleurs, et sans attendre le 5 décembre, les militantes et militants seront sur le terrain pour rencontrer leurs collègues. Ainsi, ils et elles vont signer et faire signer une pétition sur des supports multiples qui sera remise au gouvernement.

En effet, la CFDT a d’ores et déjà mis à disposition une pétition, en ligne et sous format papier. Cette mobilisation est une occasion à saisir pour aller à la rencontre des collègues sur leur lieu de travail, échanger avec eux. Ainsi, les militants et militantes font connaitre nos revendications et les invitent à se mobiliser le 5 décembre.