Déclaration du Sgen-CFDT au congrès CFDT des Sables d’Olonne

Dans une période où chaque matin nous découvrons une maille détricotée de la Refondation (ce matin, le collège et les EPI...). Vous trouverez ci-dessous ma déclaration au Congrès de l'URI hier.

Je vais donc profiter de ce congrès CFDT pour vous parler un peu de la vie du bateau Sgen et de l’éducation.

Ces 5 dernières années, on pourra dire que le Sgen a été force de proposition puisque les principes de la Refondation de l’école initiée par Vincent Peillon nous allaient bien. Vous avez du entendre parler de la réforme des rythmes scolaires et de la réforme du collège, par exemple.

Nous nous sommes donc retrouvés submergés de dossiers et de groupes de travail au ministère, les mains dans le cambouis, et notre fédération n’a pas chômé. Loin d’être majoritaires dans la profession, nous avons coutume de dire que lorsqu’un militant suit trois dossiers au Sgen, ils sont trois militants à la FSU pour suivre un seul dossier. Je rends donc ici hommage à nos équipes qui maintiennent une proposition de syndicalisme original dans un milieu professionnel qui en a bien besoin. L’inconvénient de tout cela, c’est que nous n’avons pas consacré assez de temps à l’interprofessionnel.

Le C de la CFDT est un défi permanent et nous avons conscience de ne pas le relever aussi bien que nous le souhaiterions.

Concernant notre champ professionnel, nous voyons l’arrivée du nouveau ministre Blanquer avec de l’inquiétude.

D’habitude nous laissons à d’autres syndicats le vocabulaire « inquiet et vigilant » mais là, force est de constater que les premiers signaux nous amènent à plus que de la prudence. Une impression désagréable que pour l’éducation nationale on va plutôt être sur une marche « un pas en avant, et deux pas en arrière », voire même sur un demi-tour ou le retour vers le futur.

Je vais donc profiter de ce passage en tribune pour évoquer avec vous deux sujets dont nous devrions entendre parler dans les mois à venir et vous livrer un ou deux arguments. En matière d’éducation, il faut que vous compreniez bien que nous nous trouvons régulièrement dans la situation d’un entraîneur de foot : de la même manière que la France compte 60 millions d’entraîneurs, tout le monde a son avis à donner à partir de sa propre expérience, de son fils, sa fille, son petit-fils, sa petite-fille, etc.

Et en même temps, l’éducation nationale est un sujet bien trop important pour être laissé aux seuls enseignants.

Premier sujet donc: Les fameux « rythmes scolaires ».

Pas plus tard que ce matin, une fuite sur un décret ne laisse rien présager de bon. On peut imaginer que ces annonces sont de la « com » en vue des législatives mais sur ce sujet, soyons très clair, il nous faudra sans cesse rappeler cette question : où est l’intérêt de l’élève ? Entre les parents divorcés qui veulent leur samedi matin, les profs (parents ou pas) qui rêvent secrètement de leur mercredi matin, les parents artisans qui voudraient leur lundi, les parents en RTT qui voudraient leur vendredi, on fait école le mardi et jeudi ? Ajoutez à cela les professionnels du tourisme qui voudraient démultiplier les vacances, les conseils départementaux et les mairies qui veulent faire des économies sur les transports ou le périscolaire. Alors balayons chacun devant notre porte : il est où l’intérêt de l’enfant qui devrait être synonyme d’intérêt général ? Car pour le Sgen-CFDT, les 5 matinées de classe était d’abord une avancée pour les élèves les plus en difficulté. Ceux qui n’ont pas les clubs du mercredi matin payés par papa maman, ceux qui n’ont pas l’école à la maison.

Sur le sujet, nous avons une carte CFDT interpro à jouer en initiant des actions et réflexions communes entre Sgen, Interco et S3C. Et je vous appelle ici à commencer par un changement de vocabulaire : parlons de rythme de l’enfant et pas uniquement de rythme scolaire.

Deuxième sujet : L’autonomie des établissements

Là aussi je vais essayer de vous expliquer le débat binaire qu’on entend souvent sur ce sujet pourtant complexe en filant la métaphore de la mer et de la navigation utilisée par Isabelle. Ce débat complexe est souvent simplifié : les décentralisateurs libéraux contre les jacobins centralisateurs. Mais une troisième voie existe et c’est celle que nous essayons de porter. En effet, qui peut imaginer qu’un collège des beaux quartier du centre ville ait les mêmes besoins que celui de Chamonix ou de la Chapelle aux choux ? Notre problème aujourd’hui dans l’éducation nationale, c’est que selon que vous habitez au Sables ou au Mans, Paris vous fournira le même bateau. Aujourd’hui l’organisation d’un collège est, à peu de choses près, la même partout. Tu es élève en sixième, tu auras le même nombre d’heures de français, de math et de tout le reste, où que tu sois et quelles que soient tes compétences. Égalitarisme, centralisme, le ministère décide. Alors qu’au Sgen, nous pensons que cela devrait être à chaque collège d’adapter sa voilure en fonction des élèves et des personnels en présence. Les équipes doivent pouvoir faire des choix en fonction des élèves qu’ils vont devoir faire progresser, et s’adapter aux élèves les plus en difficulté.

Donc en résumé et pour rejoindre la philosophie CFDT qui souhaite rapprocher les bonnes décisions du terrain, je vous soumets le principe suivante : c’est bien que Paris (ou l’URI) donne le cap mais c’est nous qui naviguons.

 

Je terminerai par le sujet connexe et transversal de la démocratie.

Laurent Berger parle régulièrement de fatigue démocratique. La montée du FN et du populisme a été évoquée par plusieurs d’entre vous. Plus globalement, une perte de sens et de repères ressort de vos interventions. Nous sommes tous à la recherche d’une démocratie plus continue, qui permette de ne pas se contenter de pouvoir voter une fois tous les 5 ans et de se rendormir entre les deux.

Alors comment procéder ? Et bien en commençant par nous-mêmes, en interne. « Sois le changement que tu veux voir dans le monde » disait Gandhi.

Nous parlons depuis 2002 de démocratie participative, les initiatives citoyennes fleurissent et nous échappent parfois sous forme de collectifs non-encartés.

Alors, comment ne pas avoir peur de ces collectifs éphémères et les amener justement vers notre expertise accumulée avec le temps tout en restant assez souples pour accueillir différentes sensibilités ? Comment faisons-nous vivre la parole dans nos réunions, dans nos instances internes ? Quelle rigueur dans la tenue des réunions, dans la répartition de la parole pour ne pas laisser la place uniquement aux grandes gueules (comme moi), au gens à l’aise à l’oral ? Comment distribuons-nous l’autorité dans nos organigrammes ? Comment nous accueillons les nouveaux adhérents et adhérentes en ne les effrayant pas par une prise de responsabilité chronophage, en leur définissant des rôles précis ? Comment ne pas confondre les rôles et les personnes ?

Comment organiser la dispute professionnelle sans qu’elle ne dégénère en conflit d’egos ? Comment favoriser des temps de débats contradictoires ?

N’ayons pas peur de nous enrichir de nos désaccords car lorsqu’on discute et qu’on lime sa cervelle à celle de l’autre, lorsqu’on essaye de clarifier, de s’expliquer, lorsqu’on se met d’accord sur ce sur quoi on est pas d’accord, c’est alors qu’on se rend parfois compte qu’on était pas tant que ça en désaccord…

C’est cet effort, au début inconfortable mais ensuite libérateur, qui nous préservera de tout dogmatisme sans tomber dans le relativisme. Je fais donc ici le vœux que cet état d’esprit soit la boussole de notre navire pour les années à venir.

Gwenael LE GUEVEL
PE spécialisé, SEGPA du collège Chantenay – Nantes
Secrétaire régional/Conseiller fédéral CFDT-Sgen
Collaborateur au CRAP – Cahiers Pédagogiques