Réforme du lycée : la fin de la classe ?

L’application scrupuleuse de la réforme dans les lycées a fait apparaitre des problématiques prévisibles mais non anticipées induites par la modification du traditionnel « groupe classe ».

Une reconfiguration du groupe classe

La réforme du lycée qui s’applique depuis la rentrée 2019  a eu comme conséquences de supprimer les filières en enseignement général. Afin de ne pas reconstituer  les séries (L, ES ou S) , dans de nombreux lycées,  des élèves suivant des combinaisons de spécialités différentes ont été placés dans une même classe .

Ainsi, les élèves d’une même classe assistent ensembles aux enseignements du  tronc commun : français (en 1ere), histoire géographie, enseignement moral et civique et enseignement scientifique. L’éducation physique et sportive fait partie du tronc commun mais les élèves de plusieurs classes sont souvent regroupés en fonction des activités physiques choisies. Les élèves « sortent » de ce groupe classe pour suivre les enseignements de spécialités différentes.

Cette redéfinition de « la classe » a des conséquences sur :

  • les missions du professeur principal,
  • le déroulement des conseils de classe,
  • les modalités d’accompagnement et de suivi des élèves,
  • et l’organisation des évaluations.

les équipes doivent improviser un fonctionnement nouveau car les conséquences de cette évolution n’ont pas été anticipées  .

Des conséquences sur les missions du professeur Principal

Des missions devenues trop lourdes

Les missions du professeur principal ont été redéfinies en septembre 2018.   Sur cette redéfinition, un billet d’humeur : Une circulaire pourquoi faire ?

L’’Indemnité pour Suivi et Orientation des Elèves attribuée pour cette mission ne compense pas la charge de travail supplémentaire de travail associée notamment en classe de 2nde.

Les configurations de la majorité des classes de 1ère font que seuls les enseignants de français, d’histoire-géographie et d’enseignement scientifique (2 h par semaine souvent partagée entre un enseignant de SVT et un enseignant de sciences physiques) ont en classe tous les élèves.

Le vivier de professeurs principaux potentiels est donc très réduit. De plus, un nombre croissant d’enseignants de lycée a exprimé, à la rentrée 2019, son refus d’exercer les missions de Professeur principal. Ce refus s’explique d’abord par un ras-le bol suite à l’accroissement brutal de la charge de travail en cette rentrée. En effet, la mise en place de deux années scolaires en une rentrée pour les programmes de 2nde et première, le bouleversement des modalités des évaluations comptant pour le bac, le sentiment de ne jamais avoir été écoutés sur les problématiques pragmatiques du métier, pèsent lourdement sur le moral et l’engagement de bon nombre d’enseignants.

Des missions qu’il faut redistribuer voire  réinventer

Le constat est sans appel :  s’appuyer sur une seule personne pour continuer à assurer un climat de classe apaisé, les relations avec les familles, et assumer des tâches de suivi et d’orientation n’est plus possible . Il est donc urgent de réécrire encore cette circulaire de mission.

Il faut dépasser la seule réponse de deux Professeurs principaux en terminale trouvée en urgence pour assurer l’accompagnement Parcoursup et permettre une variété de solutions adaptées à la diversité des lycées.

Le Sgen-CFDT demande notamment la possibilité de mettre en place un tutorat  pour un petit groupe d’élèves ou le partage de ces missions entre plusieurs enseignants. Ces solutions doivent permettre à la fois une efficacité pédagogique et une amélioration des conditions de travail des enseignants.

Une coopération entre enseignants et Psy-EN à maintenir

Il serait contre-productif d’opposer entre eux les personnels  participant aux tâches d’accompagnement et d’orientation des élèves. Ces tâches  sont assez vastes pour que, plutôt que la concurrence , la coopération soit de mise  entre  Psy-EN  et  enseignants. Une articulation entre approches collectives et individuelles, informatives ou plus réflexives pour suivre et accompagner un élève dans la construction progressive de son parcours est nécessaire.  Cette articulation relève de l’effort collectif des adultes : Psy-EN, Professeur Principal, Conseiller Principal d’Education, enseignants « ordinaires », parents…  Et cet accompagnement au parcours n’est pas uniquement un accompagnement à l’orientation.

Pour le Sgen-CFDT une organisation globale à l’échelle de l’établissement est nécessaire pour rechercher des dispositifs et pratiques adaptées et coordonnés aux diverses situations. Ainsi  un compte personnel d’accompagnement pourrait accorder des « droits » à l’accompagnement différents selon les élèves, et son abondement dépendrait de différents indicateurs (par exemple le taux d’élèves issus des collèges REP/REP+).

Un conseil de classe à faire évoluer

Autre conséquence de la configuration du groupe classe : la taille des équipes pédagogiques. Elle s’est étoffée et il est fréquent qu’entre 30 et 40 enseignants interviennent pour une même classe. Le conseil de classe dans sa définition actuelle est intenable . En effet, le groupe classe n’existe plus et les enseignants ne peuvent matériellement pas assister à tous les conseils de classe. Les équipes ont mis en place différents « bricolages » au cours de ce 1er trimestre.  Cependant, aucune solution satisfaisante ne se dégage.

De plus, avec la multiplication des enseignants dans une classe, ce « collectif »  risque de perdre en cohérence.

Il est urgent de construire de nouveaux collectifs tant pour les adultes que pour les élèves. Pour le Sgen-CFDT, le conseil pédagogique et ses déclinaisons en groupes de travail sont un levier de réorganisation de l’implication des enseignants dans l’établissement pour sa composante pédagogique. En effet, le conseil pédagogique n’a pas vocation à n’aborder que des questions administratives. A terme, la nécessité de créer des conseils d’évaluation dans chaque établissement sera aussi un élément important de réflexion collective.

Un calendrier scolaire insoutenable

Nous n’avons actuellement aucune information sur le calendrier de l’année de terminale. Cependant, le cumul des temps d’évaluation se profile déjà comme quasi insoutenable. Les équipes devront,  au détriment de temps des apprentissages , réaliser des évaluations contraintes type E3C, les corriger, harmoniser les notes.

Il faudra, en plus, continuer à participer aux conseils de classe et à des réunions avec les parents. De plus, il faudra  préparer  la rentrée 2020.

L’année s’annonce pénible pour tous. Il est donc urgent de prendre du recul sur les objectifs de chacune  de ces étapes. En effet, ces étapes doivent retrouver du sens pour les personnels,  les élèves et leurs familles. Ces temps nécessairement collectifs permettront sans doute de commencer à avancer sur les nouvelles organisations à imaginer dans les lycées.

En conclusion, comme cela était prévisible hélas, la mise en place de cette réforme met tous les acteurs en difficulté.

Quelques propositions faites lors du comité de suivi national du 5 décembre 2019.

Retrouvez notre dossier : Le Sgen très critique sur la réforme du lycée.