Syndicalisme : mort ou métamorphose ?

"Le syndicalisme est mortel", Laurent Berger (CFDT). "Le syndicalisme n'est pas mortel, il est mourant" Laurent Escure (UNSA). Yalla ! La super pêche ! On va tous mourir. Donc on se dirige tout de suite vers les soins palliatifs ou on essaie d'explorer d'autres voies ?

L’ambiance est morose dans le syndicalisme fonction publique (j’ai ouï dire que ça n’est pas tellement mieux ailleurs…). Une nouvelle loi permet encore plus aux rectorats et à l’administration de faire sans nous. Mutations, promotions, on le pressentait : ça allait prendre du temps mais ils allaient bien finir par mettre au point un algorithme pour gérer tout ça. Une « RH de proximité » se met en place. Nos collègues pourront y faire appel, évitant ainsi de passer par « les syndicats ».

MAIS MAIS MAIS

Et si c’était l’occasion pour nous de requestionner la raison d’être du syndicalisme et de réorienter nos forces ?

Ishak Adizes a théorisé le fait qu’on retrouve systématiquement 4 grandes fonctions qu’il définit comme 4 ingrédients nécessaires et indispensables à la survie d’un collectif de travail, quel qu’il soit (pas de distinction privé/public sur ce plan, par exemple) :
P (Production) : La production de biens ou services, chargée au jour le jour de rendre effectif ce pour quoi nous avons créé un collectif.
A (Administration) : L’administration, en charge de la ritualisation, de la mise normes et en règles de cette production (instances, hiérarchie, statuts, règlement intérieur).
● E (Entreprendre) : La créativité, l’esprit d’entreprendre, chargée de prendre des risques, d’innover.
● I (Intégration) : L’entente sociale entre les personnes, la bonne intégration de chacun(e), le sentiment de faire partie d’une aventure commune. Sa fonction : réguler les interactions, assurer une bonne ambiance.

Et ce qu’il développe au travers de cette grille de lecture, c’est que certaines de ces fonctions peuvent entrer en contradiction selon les situations, ce qui explique qu’il y aura toujours des tensions à dépasser. Autrement dit, même si elle est composée de personnes équilibrées, empathiques et congruentes (Bouddha, Gandhi et Martin Luther King réunis), votre organisation ne sera jamais harmonieuse 24h/24. Des conflits de logiques et d’intérêts apparaîtront forcément entre ces quatre fonctions, indépendamment des personnes qui les incarnent. Par exemple, être proactif et innovant (le E) entre parfois en contradiction avec le besoin de stabilité et de normes (le A) : quand une équipe monte un projet innovant et conséquent, il est assez courant que le gestionnaire pointe des limites budgétaires et organisationnelles qu’on n’a pas forcément envie d’entendre… les logiques de court terme (P) et de long terme (I) peuvent également être mises en tension : par exemple, lorsque vous êtes absorbé(e) par un projet, le nez dans le guidon, vous n’êtes pas forcément disposé(e) à accueillir des nouveaux ou à réfléchir à la raison d’être de l’organisation qui vous rassemble.

Syndicalisme et pas de côté

Je fais donc ici l’hypothèse que les collectifs de travail auront encore besoin longtemps de lieux au sein desquels on peut faire un pas de côté pour expliciter ces tensions et donc mieux les gérer. Si elle souhaite prendre cette voie, la CFDT peut maintenant réinvestir le E et la nature des services P qu’elle souhaite proposer aux salariés. Le I est également bien malmené dans des collectifs de travail éclatés qui ont besoin de retrouver du sens. L’individualisation et la psychologisation (« C’est toi le problème, vas voir un psy ! ») ont fait beaucoup de torts dans tous les milieux professionnels en oubliant de questionner l’organisation collective du travail. Nous pouvons devenir expert(e)s de ces nouveaux modes d’organisation pour apporter de nouveaux outils à nos collègues et nous pouvons poursuivre et accentuer notre travail d’écoute et d’accompagnement individuel. Dans beaucoup d’organisations, l’organigramme ressemble beaucoup la pyramide ci-dessous. Passons à quelque chose de plus adapté aux conditions de vie et aux aspirations de chacun(e).

Passer de la pyramide aux cercles

Nous pouvons être cet endroit du temps long dans lequel on réenchante le collectif.

Et finalement, peu importe si ce lieu s’appelle syndicat ou autre… Hauts les coeurs ! Yalla !