Le rôle du collectif pour impulser le projet d’école

Dans une école REP de Nantes, une équipe s’est emparée de cette fameuse problématique du climat scolaire. L’équipe, sous l’impulsion de son directeur a su élaborer et faire vivre un projet d’école, soucieux de son public.

Projet d’école : un travail d’équipe sur plusieurs années

projet d'école

 

Dans une école classée éducation prioritaire de la ville de Nantes, une équipe s’est emparée depuis sept ans maintenant de cette fameuse problématique du climat scolaire. L’équipe, sous l’impulsion de son directeur a su élaborer et faire vivre un projet d’école, soucieux de son public.

Relancé il y a deux ans, suite à une évaluation qualitative des réalités rencontrées, le projet s’affine, se nourrit des évolutions observées et des acteurs de l’école.

Le directeur, Alexandre Mady, relève plusieurs leviers qui ont participé à l’évolution positive du climat et des apprentissages.

 

Une équipe à l’écoute des enfants et des familles, et extrêmement rigoureuse dans ses exigences et ces principes de vie collective

Il s’agit d’ « être très ouverts sur ce qui est parole des enfants, démocratie à l’école, conseils…, mais aussi être ultra rigoureux sur les circulations ; le respect des règles etc »

L’exemple de l’organisation des récréations

En 2011, 200 élèves se battaient dans la cour de récréation autour de deux ballons. Une excitation grandissante, pas mal de conflits, une fatigue des enseignants comme des élèves… Il a été décidé de dédoubler les récréations, de repenser les espaces de jeux, de proposer des espaces couverts, calmes avec du matériel.

« Tu vas peut-être être de service plus souvent, mais ton service, ça ne va pas être la galère. Tu vas peut-être être plus tranquille, papoter avec ta collègue etc. Et on l’a fait une fois par jour, puis deux fois… »

L’accueil en classe

Pour faciliter le retour en classe le matin et l’après-midi, il a été décidé de remplacer l’accueil classique dans la cour par un accueil en classe progressif. L’enseignant doit alors donner 10 minutes de plus de son temps pour accueillir dans le calme les enfants. « Depuis que l’on fait ça. Quand ça sonne, les gamins démarrent tranquillement et on gagne dix minutes de travail. Mais cela demande un engagement supplémentaire aux collègues. Cela n’a pas tout de suite fait consensus. On a essayé »

La relation aux familles

Certaines pratiques ont été mises en place pour avancer pas à pas vers ces familles que l’on ne voit pas, ou peu. « On a rien inventé… des expositions dans les classes, la remise des livrets trois fois dans l’année  »

« C’est un truc que l’on prend sur les 108 heures. C’est pas du bénévolat. »

« Les CM, c’est un peu le « nerf de la guerre »

« Si le CM vit bien, ça peut aller. Si au CM, il y a du mou dans les cordages, ça peut vite partir… les collègues sont vraiment très carré sur les règles. Mais par contre, il y a énormément de bienveillance. On vit bien, on exprime ses sentiments etc. Mais si tu débordes du cadre, ça sabre sévère. Il y a besoin de poser un cadre sécurisant. Si le gamin sait que s’il met le pied là, il va y avoir une réponse de l’adulte, finalement ça le sécurise… »

Une impulsion, et une démarche de décision collective

L’équipe formule ensemble les constats de ce qui écarte l’équipe de ces objectifs. Des propositions sont faites, les objections sont prises en considération. Si la proposition semble valoir le coup d’être essayée, l’équipe s’engage à mettre en place ce dispositif, sur une période définie. Au bout de quelques mois, le bilan est fait. Et au regard des objectifs initiaux et du bien-être de l’équipe, il est décidé de prolonger ou non l’expérimentation.

« Quand ce sont des infos descendantes, où tu as des trucs à passer, une demi-heure le midi, pas de problème. Mais si on a besoin de réfléchir vraiment, c’est soit le soir sur une heure, soit le mercredi après-midi. C’est contraignant, mais finalement, le premier mercredi, on a fait un truc intéressant, on avait produit, les gens étaient contents ».

Cette clarification collective de la démarche, cette posture d’expérimentation cadrée, sur laquelle chacun peut à tout moment reformuler un bilan, une critique, nous semble être un élément important à retenir du collectif mis en œuvre.

« Je dépeins un tableau positif… mais comme partout, il y a plein de trucs où c’est compliqué ! (…)  Il y en a qui n’ont pas envie. Il faut respecter cela ».

L’architecture et la taille de l’école

« Je crois beaucoup à l’architecture de l’école. Une école ouverte sur l’extérieur, où les gens se croisent »

Pour ce directeur, la taille de l’école est elle aussi un élément à prendre en considération. « Si tu n’es pas capable de nommer tous les élèves et de visualiser tous les parents… » (…) « Une école de 8-10 classes, c’est intéressant. On a de quoi faire un travail d’équipe ».

Des limites ou des freins…

Les limites sociétales

La conclusion de l’évaluation menée en 2017 précise « … Il n’en reste pas moins que chaque année, un quart des élèves quitte l’école en très grande difficulté. Il nous faut donc creuser les pratiques (…) à même de résorber ce qui ne peut être considéré comme une fatalité. (…) Malgré cela, chacun s’accorde à penser que l’école ne peut pas tout. »

Les limites du soutien institutionnel

« Comment conserver cette dynamique sur le long terme ? Comme faire en sorte que ces réussites ne soient pas uniquement liées aux personnes et à leur capacité d’avancer ensemble ? »

Les conclusions précise qu’une école dans une spirale positive semble être bien moins le fruit de sa propre administration que le résultat d’une conjoncture favorable : équipe solidaire et partageant des valeurs, engagement important des enseignants, actions n’hésitant pas à transcender le cadre.

« Face à cela, notre administration peine toujours à reconnaître le caractère prioritaire de notre école. (L’école est rattachée à un collège REP et non n’est pas considérée REP+). (…) C’est bien l’engagement de chacun qui fait la différence. »

Sur l’avenir de la gouvernance des écoles

Pour A. Mady, il serait judicieux que l’école soit reconnue comme un établissement, c’est à dire, puisse bénéficier d’une autonomie relative en matière administrative et financière (mais pas sous tutelle d’un collège de secteur comme proposé actuellement).

Par contre, pour ce directeur, sa position actuelle en tant que collègue et pas supérieur hiérarchique, semble être un élément porteur de ce travail d’équipe et de l’implication de chacun (ce qui n’empêche pas d’envisager un grade fonctionnel qui reconnaîtrait la spécificité de la fonction). Des aides administratives seraient cependant nécessaires, et les temps de décharge à réévaluer selon les contextes.

Cet entretien a été réalisé avant l’annonce du ministre sur les établissements des savoirs fondamentaux… à suivre…

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