A propos des stylos rouges

Le Sgen-CFDT de l'académie de Créteil a reçu ce lundi une demande de soutien au mouvement des stylos rouges accompagnée du manifeste du mouvement. Voici ce qu'il a répondu et donc par la même occasion le point de vue de tous les Sgen-CFDT de France, de la maternelle à l'université, sur ce mouvement.

stylos rouges« Bonjour,

– Nous partageons bon nombre des revendications que vous formulez et travaillons depuis de nombreuses années sur ces sujets. Le pouvoir d’achat, les conditions de travail, le droit à la mobilité sont des sujets qui nous tiennent tout particulièrement à cœur et sur lesquels nous partageons votre constat quant à l’urgence d’agir. Il n’est cependant pas toujours aisé, comme vous avez dû vous en rendre compte, de formuler des revendications à la fois justes et pragmatiques. Ainsi, par exemple, les questions de rémunération ne peuvent pas être traitées uniquement via le point d’indice. L’augmentation de ce dernier est en effet plus favorable aux personnels qui ont déjà les plus fortes rémunérations de l’Éducation Nationale.

De notre côté, il nous semble ainsi nécessaire de considérer aussi les importantes inégalités de traitement au sein même de l’Éducation Nationale, entre les différents corps (parfois pour des missions pourtant similaires), entre les débuts et les fins de carrière (souvent du simple au double) etc. Pour nous il est essentiel que les revendications salariales se fassent d’abord en faveur des personnels les plus défavorisés.

Vous trouverez ci-dessous quelques unes des actions que nous avons menées ces dernières années :

Pétition pour la titularisation sans concours des personnels non titulaires
Carte postale de revendications pour les personnels et contractuels fonction publique à adresser au Président de la République
Grève du 22 mai  2018 pour la défense des fonctions publiques et de leurs agents
Pétition nationale afin d’obtenir une couverture santé performante pour l’ensemble des fonctionnaires et contractuels de la fonction publique
Parlons métier : résultats de l’enquête auprès des stagiaires ESPE (septembre 2018)
Savez-vous comment améliorer la santé et la sécurité sur votre lieu de travail ?

– D’autres revendications nous semblent plus problématiques ou trop floues encore à ce stade. Il en va ainsi de la renégociation de PPCR évoquée. Les défauts de PPCR sont nombreux. Mais PPCR ce sont aussi 5 milliards d’euros pour les agents, la création de la classe exceptionnelle et la fin d’un système d’évaluation qui dans le 2nd degré désavantageait clairement les femmes et les enseignant.e.s de certaines disciplines. Si nous continuons à demander des améliorations, c’est une signature que nous ne regrettons pas.

Ne pas se contenter de revendiquer un retour à l’ancien temps

Sur d’autres sujets, il nous semble qu’il ne peut pas être possible de revendiquer un statu-quo. Nous sommes ainsi très attachés à un système de retraite par répartition. Mais nous pensons aussi que le système actuel est très injuste en particulier pour les femmes et polypensionnés. C’est pourquoi pour nous une réforme est nécessaire et que nous attendrons, comme toujours, de voir les propositions précises qui seront faites avant de revendiquer un retrait.
Il en va un peu de même pour la réforme des lycées. Nous dénonçons depuis 1 an des réformes bâclées et insatisfaisantes. Nous avons voté contre la réforme du lycée au CSE. Néanmoins, nous savons aussi qu’une réforme du lycée est nécessaire, entre autres car le système de filières actuel est profondément injuste socialement. C’est pourquoi nous demandons un report et une renégociation mais pas un retrait de celle-ci.

stylos rouges– Plus globalement il nous semble essentiel de ne pas revendiquer uniquement le maintien, avec des conditions de travail meilleures, du système existant. Et de ne pas tomber dans la nostalgie d’un ancien temps qui n’a jamais réellement existé, où les enseignant.e.s auraient été unanimement respecté.e.s. La réalité de l’école française avant le milieu des années 1970, c’est aussi celle d’un système dans lequel les classes sociales défavorisées n’avaient quasiment pas accès à l’enseignement secondaire.
L’école française, cela est désormais largement documenté, reproduit en son sein, plus que dans d’autres pays, les inégalités sociales. Ce simple constat doit nous amener à penser que des changements majeurs sont nécessaires. Mais des changements qui associent pleinement les personnels et non des changements décidés d’en haut avec des changements de cap brutaux tous les 2-3 ans. Des changements, aussi, qui permettent de donner réellement plus à ceux qui ont le moins par le biais entre autres de l’Education prioritaire à laquelle il nous semble que votre manifeste fait étonnamment peu référence et dont le Sgen-CFDT fut l’initiateur au début des années 1980.

Permettre aux personnels de participer aux choix qui sont faits pour nos élèves et notre société

– Nous sommes aussi attaché.e.s à une approche générale des problématiques de l’Éducation Nationale. Celle-ci ne peut selon nous être vue uniquement à travers le prisme des enseignant.e.s et c’est en faisant appel aux ressources de tous les personnels (enseignant.e.s, administratifs, personnels de direction et d’encadrement, personnels d’orientation etc.) et en croisant les regards que nous pourrons traiter les soucis évoqués plus hauts de la manière la plus pertinente. A ce stade, c’est une approche que nous retrouvons peu dans votre manifeste.

stylos rouges– Enfin, il nous apparaît primordial que les personnels de l’Éducation Nationale ne se contentent pas de revendiquer des moyens pour exécuter localement des décisions prises nationalement selon, par exemple, des « programmes fixes ». Mais qu’au contraire ils revendiquent plus d’autonomie locale et de responsabilités nationales pour participer pleinement, via leur expertise réelle, aux choix qui sont faits pour nos élèves et notre société. Ne nous contentons pas d’être sujets, revendiquons pleinement notre rôle d’acteurs. Ainsi nous sommes en cohérence avec notre héritage autogestionnaire.

Vous l’aurez compris, parce que nous ne partageons pas l’ensemble des revendications, parce que nos approches sont par certains aspects sensiblement différentes, parce qu’il ne nous semble pas souhaitable non plus de tenter de chercher à récupérer un mouvement dont nous respectons le caractère spontané et autonome, nous ne souhaitons pas répondre favorablement à la demande de soutien que vous nous avez faite.

Il nous semble cependant très positif que votre mouvement cherche à se rapprocher des corps intermédiaires et nous sommes disponibles pour porter avec vous nos nombreuses revendications communes. Nous sommes bien conscients des difficultés pour les syndicats à se faire entendre depuis de trop nombreuses années et cherchons constamment à réfléchir quant aux moyens d’action adéquats. Ainsi la réflexion que vous portez sur ces sujets et vos initiatives nous semblent intéressantes.

Bien cordialement

L’équipe du Sgen-CFDT de l’académie de Créteil »

Communiqué de presse du Sgen-CFDT