Le Sgen- CFDT Pays de la Loire donne la parole aux acteurs de l'éducation prioritaire.
Épisode 1 : Deux Assistants d'éducation (AED) d'un réseau REP (réseau d'éducation prioritaire) de la banlieue nantaise nous apportent leur regard sur les spécificités de leur mission en éducation prioritaire.
Le regard de deux AED, exerçant dans un collège REP de la banlieue nantaise
Parmi les acteurs de l’éducation nationale, les AED ont une place souvent particulière en tant que « contractuels », et sont parfois les oubliés dans les refondations du système.
En Education Prioritaire, leur place au sein de la vie scolaire est bien souvent primordiale dans la gestion éducative des élèves. Assurant non seulement un rôle de suivi et d’encadrement des élèves, ils sont bien souvent les premiers adultes confrontés aux problématiques des adolescents, à la croisée des univers scolaires et personnels.
Nous vous proposons d’illustrer cette fonction et ses problématiques, au travers des propos de Camille et Samy, AED dans un collège REP de la banlieue de Nantes.
Une fonction articulée à un projet professionnel dans l’éducation nationale
- C : J’ai fait des études pour enseigner l’espagnol et lors de mon année de Master 2, j’ai commencé a travaillé comme AED à mi-temps, pour avoir un petit complément et pour pouvoir être immergée dans un milieu scolaire. J’ai pu commencer à gérer des groupes et commencer à tester mon autorité, (…) mettre un cadre, poser des limites…, cela a été bénéfique.(…)
C’est là que l’on voit tous les dessous du fonctionnement de l’établissement, on comprend vraiment les rôles de chacun (…)
« On est au delà de surveillant, on a un rôle éducatif, même plus »
- C : Je trouve que c’est beaucoup plus enrichissant de travailler ici, car notre rôle est plus important, on est au delà que surveillant, on est dans un rôle éducatif, même plus loin, on travaille beaucoup avec l’infirmière, l’assistance sociale, il faut vraiment avoir l’esprit ouvert et être attentif à beaucoup de situations. Peut-être que dans d’autres établissement le contexte est différent ».
Une reconnaissance de la complexité d’exercer dans ces quartiers
- C : Je vois des choses qui me semblent normales et qui en réalité ne le sont pas. Au quotidien, c’est cela qui rentre dans la banalité, la violence verbale, tous les jours entrain de s’insulter, tous les jours les pauvres mères qui sont insultées à longueur de temps… Ça on s’y habitue… Et c’est grave quand même. (…)
Je trouve que c’est une richesse d’enseigner dans ces établissements, mais ça peut être épuisant
- S : Moi ce que je trouve le plus important, aux récrés etc… c’est d’être vigilant et on doit sans cesse être concentré. Vigilants, car il y a des jours, ça part de partout, dans tous les sens… Il suffit qu’il y ait un ou deux collègues qui ne soient pas là… On est obligé de courir un peu partout (…) J’adore travailler avec eux, ils sont sans filtre… parfois un peu trop…
La nécessité de choisir ces postes, et d’y être formés
- C : Pour se sentir bien en REP, on ne devrait pas y être par dépit. Le recrutement devrait se faire sur des critères précis, et pourquoi pas proposer une formation. (…)
- On a vraiment besoin d’outils pour bien gérer les groupes, c’est un rôle qui est important mine de rien, et si on le prend à la légère, il n’y a rien qui va fonctionner.
Le travail d’équipe, essentiel
Au sein de la vie scolaire :
- C : C’est très important qu’à la vie scolaire, notre équipe fonctionne correctement, car ce sont des dominos. Être unis, ne jamais se contredire c’est vraiment un même son de cloche.(…)
S : Par rapport à l’équipe, il faut que ça tourne bien, que l’on soit sur le même longueur d’ondes; Avoir un disc
ours de médiation avec les jeunes.
- Ce n’est pas simple, surtout quand on a jamais travaillé avec des jeunes. Et ce n’est pas facile dans cet établissement.
Avec l’équipe enseignante :
- Après, travailler en équipe avec les enseignants, (…) quand on le fait, c’est génial. (…)
Lorsque nous participons aux journées projets, citoyennes… Lorsque j’interviens en Espagnol avec Mme… c’est super… (…) Et avoir une classe en référent chez les 6ème, cela aussi c’est bien »
Un dialogue nécessaire
- On a accès à certaines infos que les enseignants n’ont pas, et vice versa (…)
C’est important qu’il y ait du dialogue et que les infos tournent.
- Et c’est pas avec un pauvre petit mail de temps en temps que ça se fait, on a besoin de contact.
Vu que c’est quand même un contexte qui est difficile, (…) si on peut travailler en équipe, se reposer les uns sur les autres… on est plus fort
La difficulté de combiner cette fonction d’AED en éducation Prioritaire et ses études
- Là je suis entrain de préparer le CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second degré) , et c’est très compliqué
- Je pense que si je m’étais retrouvée dans un autre établissement, chez moi le soir j’aurais pu étudier. Je ne le fais pas. Je profite des mercredis après-midi, des week-end, des vacances, et honnêtement, c’est très léger pour un concours, c’est pas suffisant. D’ailleurs il y a des AED qui étaient là avec nous l’an passé qui préparaient des concours dans l’enseignement, et ils sont partis pour ces raisons là.
- Car même en étude par exemple, nous on est dans la gestion de conflit, le rappel des règles en permanence, « ne te lève pas, lève la main pour t’exprimer etc ». Il faut qu’ils soient toujours cadrés. Ici, ils manquent d’autonomie.(…)
- On a un allègement horaire… mais c’est très léger. Là je fais 35 heures par semaine, l’an dernier c’était davantage, je pense que cela dépend de plein de choses, de la direction, du CPE.(…)
- Admettons une journée pleine par semaine, ou une demi-journée hors le mercredi; de disponible, ça serait favorable, même pourquoi pas pour suivre une formation, ou aller en auditeur libre à la fac pour se remettre les idées au clair, ce ne serait pas du luxe.
Une reconnaissance professionnelle
Reconnaitre les compétences :
- On peut avoir travaillé 5 ans en tant qu’AED et à la clé rien. Ça nous donne accès à certains concours de la fonction publique… (…) OK, mais il n’y ‘a rien de vraiment concret.
- Un équivalent de compétence, que cela puisse ouvrir la porte à d’autres formations, des choses associées, par exemple Assistante Sociale … (…) C’est une fonction qui est dévalorisée… on nous appelle pion, surveillant… Bah moi je mets au défi les gens qui nous appelle pion, surveillant, de venir ici, de prendre notre place et de voir comment cela fonctionne, ce n’est pas évident ».
Une reconnaissance financière :
Et la grosse injustice de notre travail est que tout le monde est doté d’une prime REP, que ce soit profs, direction, agents, et pas les AED.
- J’aimerais que l’on m’explique car c’est une prime liée aux conditions de travail et c’est nous qui sommes le plus exposés aux risques. Disons que dans ce collège, on a cette forme de reconnaissance envers nous, la direction nous donne un petit surplus, comme des heures supplémentaires en fait.
Des expériences singulières
Ces expériences sont singulières, et propres notamment à la réalité d’un collège REP de centre ville. Les problématiques des AED dans le rural par exemple, sont différentes (difficultés de recruter des étudiants).
Ces propos nous invitent cependant à poursuivre la réflexion syndicale sur ces fonctions spécifiques, leur reconnaissance et les perspectives d’évolutions professionnelles pour ces personnes.
Références :
Temps des travail des AED : faire valoir ses droits (Sgen Grenoble)
Notre « feuilleton « REP+ » :
Une directrice d’école maternelle en REP + à Nantes
Le Sgen-Pays de Loire à l’écoute des écoles REP+