« Évidemment »: un indicateur de la pensée dogmatique du ministre Blanquer

Évidemment... Prêtez-y attention et vous l'entendrez partout, tout le temps. L'emploi de ce mot est révélateur d'une habitude coriace, voire addictive : la pensée dogmatique.

Allumez n’importe quelle chaîne d’info en continu, n’importe quelle radio généraliste. Munissez-vous d’une feuille et d’un crayon et faites une croix à chaque fois que vous entendez “évidemment”, “bien entendu”, “bien sûr”, “le vrai problème c’est que”, “la réalité c’est que”, etc. C’est ce que j’ai fait pendant l’audition de Jean-Michel Blanquer devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale du 3 octobre 2017. En une heure et quart de prise de parole, j’ai pu compter au moins 41 fois le mot “évidemment” et une dizaine de fois l’emploi d’expressions équivalentes.

Daniel Favre fait l’hypothèse que ces mots et expressions sont révélateurs d’une addiction aux certitudes. Selon lui, “nous avons la possibilité psychologique et sans doute neurobiologique de développer une relation addictive avec le contenu de notre pensée: nos idées, nos opinions, nos croyances”. Il en explique le mécanisme. « Le mode de penser dogmatique peut nous donner l’illusion de détenir la vérité avec l’ivresse que procure ce sentiment, ivresse dont on peut devenir dépendant”. Cette pensée dogmatique “s’exprime par quatre tendances langagières simultanées”.

Mouvements de la pensée

Besoin de sécurité ?

Finalement, cette addiction ne serait que le signe d’un besoin de sécurité face à un monde complexe et en perpétuelle mutation. Perdus au milieu de tant d’incertitudes, nous cherchons alors à nous rassurer… et à jouir du plaisir que cela nous procure. “Cette possibilité peut rendre l’Homme dépendant de la stabilité de ses représentations et lui faire traiter en ennemi tous ceux qui pourraient menacer leur portée ou leur validité. Comme le ferait un alcoolique de qui on éloignerait le flacon de whisky”. Dogmatismes contre dogmatismes, voici probablement l’origine des multiples dialogues de sourds auxquels nous assistons dès que nous nous lançons dans ce que nous appelons “débat”. L’usage du mot « évidemment » ne laisse pas de place au doute, à la nuance. C’est évident, point. Sous-entendu: « Et si c’est évident, il serait vraiment crétin de prétendre le contraire… ».

Si vous souhaitez sortir de cette addiction, je ne peux que vous conseiller la lecture du livre de Daniel Favre: “Éduquer à l’incertitude”. La première étape étant d’en prendre conscience. La deuxième de préférer l’emploi d’expression comme “il me semble”, peut-être”, “je fais l’hypothèse que..”, “probablement”,  etc.

À la tienne, Jean-Michel !